À propos du cliché JMC 216 de Josep Maria Cañellas
Localisation de quelques clichés de J. M. Cañellas pris à Paris
Observations relatives aux clichés de J. M. Cañellas pris place de l’Opéra à Paris
mer. 20 mai 2020 13h09
Josep Maria Cañellas prend plusieurs de ses fameux instantanés parisiens sur la place de l’Opéra. J’en connais quatre. Deux clichés (JMC 589 et 590) sont référencés et reproduits dans le catalogue de l’exposition du musée de l’Empordà ; ils le sont également par Fourquier dans sa brochure qui y ajoute le cliché 644. Le quatrième (JMC 650) est reproduit ci-dessus1. Il en existe peut-être d’autres.
Si les clichés 589 et 590 sont manifestement pris dans la foulée l’un de l’autre, je crois que c’est également le cas pour les clichés 644 et 650, peut-être au cours d’une autre sortie. Tous quatre ont été pris à des dates rapprochées, qu’on peut essayer d’affiner. C’est ce que je voudrais tenter ici.
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Sur certaines de ces photographies, on peut relever deux détails intéressants qui peuvent contribuer à les dater. Le premier est le mât promotionnel pour l’Exposition universelle (peut-être un éclairage électrique ?), installé sur la place ; le second, l’annonce « À louer » affichée à côté de l’enseigne du Daily Telegraph à un balcon du bâtiment de droite (en l’occurrence, le numéro 8 de la place de l’Opéra).
L’Exposition universelle en question est bien évidemment celle de 1889.
Je relève ces deux détails parce qu’on les retrouve sur une autre vue de la place exécutée à la même époque. Il s’agit du cliché 303 de la maison Léon & Lévy (L. L.), inséré dans les Promenades dans Paris du baron de Vinck2.
Ouvrons à ce propos une brève parenthèse.
L’album des Promenades… du baron de Vinck est daté de 1889 mais les dates de prise de vue des photographies individuelles ne sont pas indiquées. Si le cliché № 303 a manifestement été pris durant le temps de l’Exposition universelle, d’autres sont sensiblement antérieurs. Ainsi du cliché № 74 (? la mention est gommée sur l’image et je ne fais que deviner ce numéro), feuillet 14, offrant une vue du boulevard des Italiens.
Sur le trottoir de gauche, on voit une affiche faisant la réclame d’un spectacle des Folies-Bergère. Elle est partiellement masquée par un arbre. Peut-être est-elle portée par un homme-sandwich, comme on en voyait déambuler régulièrement sur les boulevards de la capitale.
En subodorant que le mot en bas pût être magnétisme, j’ai retrouvé une reproduction de cette affiche.
Les informations données par l’affiche m’ont à leur tour permis de retrouver la date approximative du spectacle en question3. En effet, un article de La Petite Presse en date du 11 mai 1889 rapporte ceci :
ELDORADO. — Nous apprenons que la direction de l’Eldorado vient de traiter avec M. de Torcy et Mlle Lucia pour une série de représentations. Nos lecteurs se souviennent certainement des intéressantes expériences faites au milieu des fauves par M. de Torcy et Mlle Lucia, qui obtinrent, il y a deux ans, un succès si grand et firent courir tout Paris aux Folies-Bergère, à l’Eden et au Cirque d’Eté. Les représentations qui vont être données à l’Eldorado seront, paraît-il, encore plus curieuses et plus émouvantes que les premières en ce sens que les lions du dompteur Star, le fameux belluaire américain, sont des plus féroces.
(Source : Gallica, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k47244457/f4.item.)
Voilà donc qui nous permet de dater cette photographie de Léon & Lévy du printemps 1887. Et, en effet, il est possible de retrouver des comptes rendus de ce spectacle manifestement captivant. Voici par exemple un extrait de celui fait par Le Petit Journal en date du 13 mai 1887 :
L’HYPNOTISME DANS LA CAGE DES LIONS — La presse parisienne était conviée hier à une très curieuse séance d’hypnotisme organisée par M. G. de Torcy, aux Folies-Bergère.
Jusqu’à présent, les phénomènes d’hypnotisme, de catalepsie, d’insensibilité avaient présenté le très grand attrait de cet état particulier et mystérieux de mouvements inconscients, exécutés par un sujet, sous l’impulsion d’une volonté qui se substitue à la sienne. […]
M. de Torcy […] a voulu mettre en présence de fauves, un sujet hypnotisé et qui, par ce fait, perd toute perception du lieu où il se trouve, du danger qu’il court.
M. Giacometti, le dompteur audacieux qui chaque soir se fait applaudir dans la salle des Folies-Bergère, s’est gracieusement prêté à l’expérience qui a obtenu un magnifique et bien légitime succès.
Le lion et les deux lionnes étant dans la cage, et ayant exécuté quelques voltiges sous la cravache du dompteur, M. de Torcy fait avancer Mlle Lucia, exécute les passes et plonge le sujet dans le sommeil en dehors de la cage. Il lui suggère alors l’idée d’entrer dans la terrible cage de fer.
Mlle Lucia obéit, et s’avance dans la pose extatique vers les lions rugissants. […](Source : Gallica, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k609398r/f2.item.)
Pour la petite histoire, le 2 mai 1889, au cours d’une représentation à Valenciennes, l’audacieux M. Giacometti, pas du tout hypnotisé, fut lui-même la malheureuse victime de ses fauves quand l’un d’entre eux, Romulus, « tout à coup mis en furie, lui envoya un formidable coup de griffe dans le bas-ventre. » (Le Radical, édition du 4 mai 1889). Heureusement, on apprend en fin d’article qu’on ne désespérait pas de sauver le blessé.
Ainsi, les photographies des Promenades… ne datent pas toutes de 1889. On en trouvera une nouvelle illustration ci-dessous. Fin de la parenthèse.
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Le cliché № 303 des Promenades… est le dernier d’une série de quatre vues du palais Garnier et il est le seul à reproduire les détails relevés sur la photographie de Cañellas ; les trois autres, qui sont également des vues larges de la place prises depuis le débouché de l’avenue de l’Opéra, n’en font pas état.
C’est que les trois premiers clichés – à l’instar du cliché № 74 – n’ont pas été pris au même moment que le dernier. Mais… est-ce si sûr ?
Rouvrons la parenthèse précédente pour une petite mise au point.
Le cliché du feuillet 41 n’est pas légendé ni signé, peut-être parce qu’il ne devait pas être retenu par le photographe (mauvais cadrage horizontal ?).
Celui du feuillet 42 est légendé et signé (« 51 Paris. - Le nouvel Opéra. - L. L. »).
Idem pour celui du feuillet 43, mais, pour une raison qui m’échappe, la mention a été gommée. On peut la deviner, c’est la même au numéro près [38 ?] que la précédente.
Enfin, le cliché du feuillet 44 est également légendé, de manière légèrement différente : « 303 Paris. - L’Opéra. »
Il est à peu près certain que les deux premiers clichés des Promenades… (feuillets 41 et 42) ont été pris l’un après l’autre à quelques instants d’intervalle. Sur les deux, on reconnaît en effet le jeune homme à canotier qui se tient sur l’îlot du lampadaire de gauche au premier plan ; il s’est arrêté pour observer le ou les photographes en action ; il a à peine bougé d’un cliché à l’autre (peut-être se souvient-il de la fameuse injonction des photographes « Ne bougeons plus, s’il vous plaît ! »).
On notera de plus que le cliché du feuillet 42 a immortalisé un omnibus de la ligne AC (Petite-Villette – Champs-Élysées) qui porte une sur-inscription « Exposition », laissant entendre aux touristes que cet omnibus assurait la desserte de l’exposition4.
Le cliché du feuillet 43 est certainement pris un autre jour, qui plus est à une heure un peu plus tardive (les ombres des personnes et des véhicules se sont allongées). On observe par exemple que les stores à l’entresol du Café de la Paix sont tous relevés alors qu’ils sont tous descendus sur les clichés des feuillets 41 et 42. Si l’on se fie à la numérotation des vues et si j’ai correctement lu 38 pour le feuillet 43, alors il est vraisemblable que cette photographie aura été prise antérieurement aux deux précédentes.
Ouvrons une nouvelle petite parenthèse dans notre parenthèse.
Assez longtemps, j’ai pensé que ce cliché № 38 avait été pris peu de temps avant les deux autres (l’allure générale des passants, la saison semblaient les mêmes). Il s’avère que, si la saison est effectivement la même, l’année diffère. On en a une confirmation en déchiffrant l’affiche qui apparaît tout à l’arrière-plan (encore un homme-sandwich ?) et qui mentionne successivement, de haut en bas : « Concerts Promenades / Palais Royal / Réouverture », ainsi qu’une date que je crois être « Samedi 26 mai à 8 h. ½ »… (J’avoue m’être fait mal aux yeux.)
De fait, en fouillant un peu les archives de la presse (merci, Gallica !), on trouve des références qui corroborent le déchiffrement ci-dessus. Par exemple, dans Le Tintamarre du 20 mai 1888, on lit ceci :
On peut donc dater la photographie № 38 du feuillet 43 de mai 1888. Elle vient sournoisement s’intercaller entre des clichés de la même place pris, eux, un an plus tard…
Fin de la nouvelle petite parenthèse.
Enfin, le quatrième cliché du feuillet 44 est lui clairement pris à une autre occasion puisqu’on voit apparaître et le mât de l’Exposition universelle et la mention « À louer » que j’évoquais en commençant ce billet.
D’après cette photo, il apparaît que deux mâts ont été installés sur la place, sur le terre-plein central ; sur les photographies connues de Cañellas, on ne voit que le mât de droite, côté rue Halévy.
Quelle était la fonction de ces mâts ? Je ne sais pas. J’aurais tendance à penser qu’ils servaient de signalisation d’un point de desserte de l’exposition par les transports en commun, peut-être une tête de ligne. Pour expliquer leur absence sur les clichés des feuillets 41 et 42, peut-être faut-il envisager qu’ils auront été installés après l’inauguration de l’exposition, une fois conclus les débats du Conseil municipal ? ou, plus pragmatiquement, en réponse à une demande pressante des visiteurs égarés dans la ville et un afflux rapidement devenu insoutenable de voyageurs dans les bureaux de correspondance ? Je n’ai pas eu le courage d’aller vérifier. Et puis, peut-être avaient-ils une fonction simplement décorative ou fastueuse ?
Fin de la parenthèse.
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En résumé, les vues de l’Opéra consignées dans les feuillets 41, 42 et 44 des Promenades… permettent par divers indices (mât de l’Exposition ; omnibus estampillé « Exposition ») de dater ces photographies entre le 5 mai et le 31 octobre 1889, dates d’ouverture et de clôture de l’Exposition universelle (la photographie du feuillet 43 étant à exclure pour notre propos)5.
Je n’ai pas réussi à trouver d’élément permettant de dater l’apparition des mâts sur la place de l’Opéra. Ils ont sans doute été installés après l’inauguration (quelques jours ? deux ou trois semaines ?). On pourrait alors retenir la fin mai ou le début de juin 1889 comme date au plus tôt du cliché № 303 du feuillet 44 – et donc des clichés 589, 590, 644 et 650 de Cañellas.
Peut-on essayer d’être plus précis encore ? J’ai tenté d’exploiter l’annonce « À louer » accrochée au balcon du № 8, mais sans succès jusqu’ici. Il faut exclure un déménagement du Daily Telegraph, puisque l’honorable correspondant de ce journal est encore répertorié par le Bottin à cette même adresse en 18906. Du reste, la liste des inscrits du Bottin à cette adresse ne change pas entre 1888 et 1890. Mais peut-être était-ce une annonce opportuniste pour mettre en location un bien auprès de visiteurs de passage le temps de l’Exposition ? On trouve dans la presse de l’époque de nombreux exemples d’annonces similaires à la suivante :
… mais je n’ai pas réussi à trouver la trace d’une location sur la place elle-même.
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Outre les questions de datation plus ou moins précise des clichés, et le plaisir coupable de feuilleter la presse de la fin du XIXe s., l’un des intérêts de ce petit travail d’investigation est aussi d’essayer de comprendre les principes de numérotation des photographies de Cañellas. Il me semble qu’ils sont peut-être un peu plus complexes que ce qu’avait envisagé Fourquier lorsqu’il écrit (p. 13) :
À quelle date ont été prises [les] photographies [de Cañellas] ? Quelques indices permettent d’approcher la réponse à cette question capitale pour juger de l’importance de son œuvre. L’observation de la numérotation de ses clichés donne une première indication. Les tirages des albums Rubaudonadeu, qui ont été réalisés durant l’hiver 1888-1889, portent des numéros allant de 1001 à 1567. Or la majorité des tirages de scènes parisiennes, rencontrés à ce jour, portent des numéros inférieurs à 1000. Elles ont donc été prises avant l’hiver 1888-1889.
Cañellas est en effet en Catalogne durant l’hiver 88-89 pour la réalisation de son documentaire sur l’Alt Empordà. Autrement dit, avant l’ouverture de l’Exposition universelle à Paris. Or, les quatre photographies de la place de l’Opéra portent justement des numéros inférieurs à 1000, ce qui me semble invalider la conclusion de Fourquier.
Mon hypothèse ici est que Cañellas avait peut-être une organisation de ses plaques par lots qu’il avait prénumérotés. Peut-être des lotissements thématiques ; peut-être plus simplement des lotissements suivant les commandes qu’il passait à ses fournisseurs ou qu’il recevait de ses commanditaires ou encore suivant les différents appareils qu’il utilisait.
Il aurait pu ainsi, pour son reportage de l’Alt Empordà, passer commande d’un lot de, mettons, mille plaques qu’il aurait alors prénumérotées de 1001 à 2000 et réservées à cet usage. Il est même tout à fait plausible que les plaques de ce reportage aient été commandées et payées par Rubaudonadeu lui-même. On sait aussi qu’un reportage du même type avait été envisagé par Rubaudonadeu et Cañellas sur la ville de Barcelone, qui avait même vu un commencement d’exécution avant d’avorter. Des numéros de plaques avaient peut-être été réservés à cet usage ?
Fourquier avait déjà formulé la remarque que plusieurs schémas de numérotation des photographies devaient être à l’œuvre. Il s’appuyait entre autres sur le numéro 2500 de la photographie prise au Louvre à l’occasion de l’inauguration du monument à Gambetta, place du Carrousel. Cet événement eut lieu le 13 juillet 1888, soit bien avant le reportage en Catalogne et bien avant la date avancée ici pour les clichés numérotés 589, 590, 644 et 650.
Si donc ces derniers sont du printemps 1889, et si l’on suppose tout de même une certaine progression chronologique dans la numérotation, alors il est vraisemblable que bon nombre des instantanés de Cañellas ne soient pas aussi anciens que le supposait Fourquier – ce qui n’ôte rien à leur qualité et intérêt intrinsèques, évidemment.
Je terminerai avec l’exemple du cliché № 820 reproduit dans le catalogue de l’Empordà et dans le Fourquier. Fourquier le légende « Photographe à la manifestation », mais je pense qu’il s’agit plutôt d’une cérémonie de funérailles donnée à l’église de la Madeleine7. Au vu de la foule et du service d’ordre (ainsi que du reporter photographe), il semble qu’on ait affaire à des funérailles officielles ; au vu de l’habillement des uns et des autres, je penche pour un mois d’hiver. Un événement qui ferait un bon candidat serait les funérailles de Meissonier, qui eurent lieu le 3 février 1891. Mais c’est juste une hypothèse.
Notes & références
Le catalogue du musée de l’Empordà fut édité à l’occasion de l’exposition Cañellas qui eut lieu dans ce musée, à Figeres, en 2005. Anna Capella, Jaume Santaló, Josep Maria Cañellas, Reus 1856-París 1902 : photographie des artistes, Figueres : Museu Empordà ; [Sant Lluís, Menorca] : Triangle Postals, 2005.
Ce catalogue est la référence la plus complète concernant Cañellas. Il est encore disponible dans le commerce. Il est également consultable à la Bibliothèque nationale (mais pas à la BPI, semble-t-il).
La brochure d’Alain Fourquier (Josep Maria Cañellas (1856 – 1902), Premier photographe de l’instantané à Paris, Paris, Au bibliophile parisien, 2008) est difficilement trouvable dans le commerce mais on peut la consulter en bibliothèque et notamment à la Bibliothèque publique d’information du Centre Beaubourg à Paris. Elle complète utilement le catalogue précédent.
La reproduction du cliché 650 provient d’une vente aux enchères et est tirée de la base de données de la Gazette Drouot (voir cette page). On notera que la notice d’accompagnement reprend des informations tirée du Fourquier et émet des hypothèses discutables sur la date de la prise de vue.
Les sites d’enchères sont les plus grands pourvoyeurs de reproductions numériques des photographies de Cañellas. Malheureusement, la qualité de ces reproductions n’est pas toujours optimale et les informations descriptives sont souvent sujettes à caution.
RetourLe baron Carl de Vinck de Deux-Orp (1859-1931) fut ministre plénipotentiaire de S.M. le Roi des Belges, mais il est avant tout connu comme un très grand collectionneur de documents et d’estampes relatifs à l’histoire de France récente (de la Révolution à la Commune) dont il fit don à la B.N.
L’album de photographies Promenades dans Paris, tout à fait passionnant, est lui aussi conservé à la Bibliothèque nationale et peut être consulté sur le site de Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8447017m/ (le cliché 303 est au feuillet 44).
RetourJe note en passant que le nombre proprement ahurissant de spectacles différents donnés chaque année aux Folies-Bergère, comme en d’autres salles parisiennes… C’est, je crois, un élément d’explication de la disponibilité d’une main d’œuvre pléthorique, essentiellement jeune et féminine, laquelle alterne très-certainement périodes d’activité et périodes de chômage subi. Mais c’est un autre sujet, intéressant également Cañellas, sur lequel j’aurai l’occasion de revenir…
RetourIl y eut au Conseil municipal de Paris des débats sans fin (et, pour ce que j’en ai lu, sans conclusion claire) sur la nécessité ou non de créer des lignes spéciales de transport en commun pour la desserte de l’Exposition. Les débats avaient été obscurcis par l’exécrable relation entre la Ville et la Compagnie générale des omnibus (CGO) née d’un vieux contentieux sur les termes de la concession d’exploitation des lignes d’omnibus et de tramway. Voir par exemple l’examen de la « Question de M. Muzet sur l’insuffisance des moyens de transport des voyageurs dans Paris » (Bulletin municipal officiel de la Ville de Paris, 1er juin 1889, pp. 1225 sqq.). C’est gratiné. Ces débats suivant leur cours au Conseil, on rappelera que l’Exposition avait tout de même déjà ouvert depuis un mois…
Du compte rendu de ces débats, il est difficile donc de conclure si la CGO créa ou non des lignes spéciales d’omnibus. Dans les comptes rendus rétrospectifs de l’Exposition publiés en 1891, on peut toutefois lire que six lignes spéciales furent mises en service par la CGO (trois lignes d’omnibus et trois lignes de tramways à traction mécanique) dont, à mon sens, les performances en termes de nombre de voyageurs transportés ne se sont pas révélées mirobolantes. Ces six lignes ont totalisé environ 10 % du trafic voyageurs desservant les entrées de l’Exposition comme l’indique le tableau de synthèse suivant.
Pour les « lignes anciennes » passant à proximité des points d’entrée de l’exposition, comme celle captée par la photographie du feuillet 42, ma compréhension est que la CGO semble s’être contentée d’apposer une mention « Exposition » sur les voitures. L’expérience des visiteurs de l’Exposition devait être comparable à celle des touristes contemporains empruntant un RER B omnibus pour se rendre à Roissy…
Si j’en crois les légendes associées à la gravure, ce pannonceau « Exposition » est une mesure que la CGO reprit en 1891, à une autre occasion (l’Exposition de la Société nationale des Beaux-Arts de mai-juillet 1891 ?). L’événement fut concomitant à la grande grève initiée par les cochers de la CGO dans la foulée du 1er mai ; la gravure – régulièrement reproduite mais non sourcée – montre l’assaut par la foule d’un omnibus de la ligne C (Hôtel de Ville – Porte Maillot) qui semble avoir défié le mot d’ordre d’arrêt de travail.
Je ne suis toutefois pas complètement convaincu qu’on ait ici affaire à l’année 1891, mais peu importe.
RetourD’autres photographies de l’album du baron font également état de détails liés à cette Exposition de 1889. Ainsi du cliché № 397 où l’on voit une vue de l’entrée du jardin des Tuileries, place de la Concorde, avec une pancarte partiellement masquée (« Pour les pa[...]et de Russie »).
J’ai d’abord pris cette pancarte pour un panneau de promotion du Panorama Histoire du Siècle de Stevens & Gervex mais elle semble être plutôt, là aussi, un point de ralliement pour se rendre par un moyen de transport en commun (omnibus ? bateau ?) à tel endroit de l’exposition. On pourrait par exemple tenter une restitution du type suivant : « Pour les pa[villons d’Égypte ]et de Russie » (je dis d’Égypte moins à cause de l’obélisque qui masque la pancarte que parce que les pavillons d’Égypte et de Russie étaient voisins sur le Champ de Mars – c’est purement gratuit).
RetourL’honorable correspondant du Daily Telegraph s’appelait Campbell Clarke. C’était une personnalité du monde des médias de l’époque – il était correspondant à Paris depuis 1872. Il était officier de la Légion d’honneur et officier de l’Instruction publique, comme il apparaît dans les colonnes du Bottin. J’ai appris qu’il figura parmi les membres du jury de l’Exposition de 1889.
Je m’attarde un peu sur cet enregistrement du Bottin, car il est amusant de relever que, dans ce même immeuble du № 8 de la place de l’Opéra, on trouve aussi le bureau de Prosper Guibert, agent de MM. Moët & Chandon (Chandon & Cie, success.), vins de Champagne. Prosper associera bientôt son fils Maurice à l’affaire ou même lui passera la main.
Maurice Guibert, lui, est ce photographe amateur dilettante et grand noceur qui fit les belles nuits du Moulin Rouge première époque en compagnie de ses amis Toulouse-Lautrec et Paul Sescau. Du reste, il est très possible que Guibert et Cañellas se soient connus, de même que Sescau ; auquel cas j’aurais volontiers envisagé que le premier eût présenté au second quelques-unes des sympathiques danseuses du Moulin dont Cañellas tira le portrait (Cricri ou La Traviata entre autres, nous en reparlerons bientôt).
RetourD’après moi, la photographie est prise depuis le parvis de l’église, au centre même, en direction de l’immeuble abritant le restaurant Lucas (qui n’était pas encore la propriété de M. Carton), au № 9 de la place de la Madeleine.
Retour❦
Mots-clés
Josep Maria Cañellas, photographie, instantané, 1880-1890, Paris, Opéra, place de l’Opéra, Exposition universelle de 1889, baron Carl de Vinck de Deux-Orp, Folies-Bergère, Compagnie générale des omnibus, omnibus, Maurice Guibert, Paul Sescau.
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